Une nouvelle proposition d’Unia contre la sous-enchère salariale : l’annonce obligatoire et automatique des salaires

Unia, avec la CGAS, a déposé son nouveau projet pour améliorer le dispositif de lutte contre la sous-enchère salariale. L’idée est relativement simple et consiste dans la tenue d’un registre des salaires tenu par l’Etat. Les entreprises auront l’obligation d’annoncer annuellement les salaires de l’ensemble de leurs employés et toute modification (par licenciement ou engagement) dans les trente jours auprès du Répertoire des entreprises du canton de Genève (REG), géré par l’OCIRT.

Le Répertoire des entreprises du canton de Genève (REG) existe déjà et est principalement utilisé comme base de donnée pour connaître l’activité économique d’une entreprise ainsi que le nombre de ses salariés. C’est un répertoire utile notamment lorsqu’il s’agit de faire des campagnes de contrôle d’application d’un CTT ou lorsqu’il faut vérifier les quorums pour pouvoir étendre une CCT.

La proposition vise à faire du REG un répertoire beaucoup plus complet permettant d’avoir une vision non seulement sur la démographie et l’activité économique d’une entreprise mais également sur ses pratiques salariales.

Des statistiques salariales en phase avec la situation présente et fiables

L’obligation annuelle d’annonce des salaires permettra d’avoir des statistiques salariales non seulement très fiables mais également en phase avec le présent.

L’Enquête suisse sur la structure des salaires montre ses limites et ses failles.

Nous devons attendre le printemps 2017 pour avoir les résultats de 2014 (trois ans de retard sur l’évolution des salaires), mais en plus l’outil change fréquemment de méthode ou d’échantillonnage rendant toute analyse de l’évolution dans le temps des salaires périlleuse.

A titre d’exemple, depuis l’entrée en vigueur des accords de libre circulation (2002), l’ESS a changé par deux fois (2008 et 2014) de méthode !

Des contrôles mieux ciblés contre la sous-enchère salariale avec l’annonce des salaires

Les données recueillies par le REG selon la proposition d’Unia et de la CGAS doivent permettre un examen rapide des pratiques salariales des entreprises pour mieux cibler des interventions que ce soit de l’inspection cantonale du travail (OCIRT), de l’inspection paritaire des entreprises (IPE), des commissions paritaires ayant un contrat de prestation avec l’Etat ou encore de la commission tripartite cantonale notamment dans le cadre des conciliations prévues à l’article 360b du Code des obligations.

Les effectifs des inspecteurs ont été sensiblement augmentés ces dernières années et l’OCIRT atteindra bientôt le ratio d’un inspecteur pour 10'000 salariés. L’entrée en fonction de la nouvelle Inspection paritaire des entreprises (IPE) permet d’effectuer quelques centaines de contrôles supplémentaires. Toutefois, les inspecteurs sont encore trop peu nombreux pour réussir à vérifier les conditions de travail d’une partie significative des salariés. Souvent également, les contrôles sont dirigés à l’aveugle, ou automatiquement (dans le cadre de marchés publics), ne permettant pas une utilisation rationnelle de ces ressources.

Pas de surcharge bureaucratique ou de monstre étatique : au contraire, un système plus fluide et efficace

L’obligation d’annonce tel que formulée dans la proposition pourrait se voir reprocher son caractère bureaucratique ou l’aspect de l’Etat fouineur, omniprésent. Toutefois, le système proposé est loin d’être lourd à gérer et ne créée pratiquement pas de demandes supplémentaires vis-à-vis des entreprises.

A l’heure actuelle déjà, les entreprises sont tenues entre autres aux règles d’annonces suivantes :

•           Les licenciements d’ordre économique à la fin de chaque mois à l’OCE pour les entreprises de plus de 5 employés (art. 25 LSELS) ;

•           La production d’une attestation de l’employeur à destination de l’assurance chômage avec indication notamment du salaire lorsqu’un employé quitte l’entreprise et s’inscrit au chômage (art. 88 LACI) ;

•           Les données sur les activités et la démographie des entreprises et modifications dans le mois qui suit à l’OCIRT (art. 40 LIRT) ;

•           Les données personnelles et salariales dans les 8 jours qui suivent le début des prestations de travail au Service de l’imposition à la source (art. 7C RISP) ;

•           L’ensemble des données salariales chaque année pour chaque salariés via une attestation de salaire pour le travailleur afin qu’il puisse remplir sa déclaration fiscale (art. 127 LIFD).

Les données réclamées par la proposition sont déjà pratiquement toutes comprises dans ces précédents dispositifs avec des délais similaires voire même plus courts. S’il est légitime que l’Etat réclame ces données aux entreprises afin notamment de pouvoir exercer ces prérogatives vis-à-vis des salariés tant d’un point de vue fiscal qu’afin de calculer leur droit à l’assurance-chômage, il est aberrant que ces mêmes données ne puissent être utilisées par l’Etat dans un but de protection des travailleurs.

Refus de discussions tripartites mais fort intérêt parlementaire

La proposition de la CGAS a été très froidement accueillie par les organisations patronales. La possibilité de discuter d’un projet de loi tripartite déposé par le Conseil d’Etat ne semble pas à l’ordre du jour. Toutefois, contacts ayant été pris, il existe un fort intérêt de la part tant des partis l’Alternative (PS, Verts et Ensemble à gauche) que du MCG quant à notre proposition. Potentiellement, ce projet pourrait bénéficier d’une majorité parlementaire et voir rapidement le jour… Dans l’intérêt de l’ensemble des travailleuses et travailleurs. Affaire à suivre.