Engagements non tenus, salaires de sous-enchère

Une année après la consultation collective du personnel d’ABB Sécheron pour le maintien de l’emploi à Genève, à l’issue de laquelle un accord avait pu être trouvé avec la direction d’ABB, l’heure est au bilan : le plan de délocalisation a été repoussé de 15 mois et, alors que l’usine genevoise tourne à plein régime, la direction tente de revenir sur les engagements pris en matière de plan social. Pour remplacer les nombreux arrêts maladie, des travailleurs temporaires ont été engagés en dessous des minima salariaux obligatoires à Genève.

Du 13 au 20 novembre 2017, quelques 150 employés travaillant sur le site genevois d’ABB Sécheron avaient arrêté l’usine en organisant une « consultation collective » dans le but de maintenir les emplois à Genève. Le groupe industriel, actif dans la production de transformateurs de traction, avait en effet décidé de délocaliser une partie de la production en Pologne, en supprimant ainsi 100 postes de salarié-e-s fixes et 43 temporaires jusqu’à mi-2019.

La mobilisation des travailleurs, ainsi qu’une saisie ultérieure de la Chambre des relations collectives du travail (CRCT) avait finalement débouché sur une amélioration des conditions de départ, un gel des licenciements pour 2018 et l’engagement de créer de nouveaux emplois dans le cadre d’un nouveau «Center of Competence for Sustainable Mobility».

Retards organisationnels, arrêts maladie et temporaires sous-payés

Une année plus tard, l’heure est au bilan. Tout d’abord, force est de constater que le plan de délocalisation, dont l’annonce avait été à l’origine des mobilisations des salariés, n’a pas pu être réalisé. En cause : des retards organisationnels et des problèmes techniques, « dont l’ampleur surprend pour un groupe comme ABB », comme le souligne Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève ; ces retards obligeant la direction à repousser le déménagement de 15 mois. Les premiers licenciements seront donc annoncés dès octobre 2019. Quant aux nouveaux emplois : quatre personnes seulement ont été engagées sur de nouveaux projets depuis le début de l’année...

Comme en témoignent plusieurs salariés présents lors de la conférence de presse de ce matin, cette prolongation des délais engendre une souffrance considérable auprès des salariés. Après le choc de l’annonce en automne 2017 et les tensions qui s’en sont suivies, « nous voilà dans une agonie sans fin », déclare l’un d’entre eux qui préfère garder l’anonymat : « Si nous quittons l’entreprise, nous perdons le droit au plan social, mais rester travailler dans une entreprise vouée à la disparition et sans aucune perspective nous met dans une situation impossible ».

Résultat des courses : plus d’une vingtaine de personnes ont préféré quitter l’entreprise sans rien, mais surtout un nombre important d’absences pour maladie, remplacées à la va-vite par des travailleurs temporaires – sous-payés ! En effet, comme le démontre un décompte de salaire dont dispose le syndicat, le salaire payé est de 25.49 CHF/heure au lieu de 30.14 CHF/heure comme le prévoit la grille de salaire obligatoire pour la branche à Genève !

Menaces et licenciements

L’absurdité de délocaliser un site pourtant profitable et actif dans un marché prometteur, dénoncée non seulement il y a un an par les salariés, mais aussi par de nombreux experts économiques ainsi que par le gouvernement genevois et 80 députés qui avaient signé une lettre ouverte à la direction du groupe, est aujourd’hui confirmée : ABB Sécheron croule actuellement sous les commandes. Il est évident que les départs et les absences, et avec eux un savoir-faire parti en fumée, posent aujourd’hui un problème de taille à la direction qui n’arrive pas à tenir le rythme de production nécessaire.

Sa réponse : des menaces et des licenciements. Ainsi, une consultation actuellement en cours auprès du personnel demande à ne pas devoir « appliquer à la lettre » les engagements pris avec le syndicat et la représentation des travailleurs, et notamment la clause impliquant une baisse du temps de travail dès le 1er janvier 2019, sous menace de suppression d’une pause de 15 minutes ou de travail du samedi obligatoire ! De surcroît, nombre de salariés malades se voient actuellement licenciés après la fin du délai de protection sans la compensation prévue par le plan social, ce que le syndicat Unia dénonce comme un contournement du plan social.

Améliorations des conditions de maintien en emploi et de départ demandées

Le syndicat et les salariés d’ABB Sécheron appellent la direction à la raison et les invitent à répondre favorablement aux demandes formulées lors de la dernière Assemblée du personnel, à savoir : une amélioration des conditions de maintien en emploi pour faire face aux absences, et une amélioration des conditions de départ, rendue nécessaire par le retardement de la délocalisation.

Pour plus d’informations :

Alessandro Pelizzari, secrétaire régional Unia Genève : 079 817 29 04.