Unia dépose un recours à la Cour de justice contre Manor : le personnel de vente ne devrait pas être employé le dimanche.

Aucune considération pour le personnel.

La période des fêtes de fin d’année est sans doute le moment où les chiffres d’affaires sont les meilleurs. En même temps, elle coïncide avec une période particulièrement chargée pour le personnel de vente, amené à accomplir régulièrement des heures supplémentaires et soumis au stress des ventes à réaliser à tout prix. Cette année, le personnel sera ainsi déjà appelé à servir la clientèle jusqu’à 20h30 le samedi 22 décembre.

 

Comme si ces horaires à rallonge ne suffisaient pas, le magasin Manor a présenté une demande d’autorisation pour pouvoir employer son personnel le dimanche 23 décembre, à partir du 7 heures du matin. La demande a été acceptée par l’Office cantonal de l’inspection des relations de travail (OCIRT). Cette décision est non seulement contestable du point de vue du droit, mais également au regard d’un partenariat social qui s’est passablement tendu ces derniers mois autour de l’emploi du personnel de vente les dimanches, en l’absence d’une convention collective (CCT) pour protéger leurs conditions de travail.

Une décision juridiquement problématique

Pourquoi cette décision inédite est problématique ? Car la Loi sur le travail (LTr) est relativement restrictive en la matière. En l’absence de dispositions cantonales particulières concernant l’emploi du personnel de vente le dimanche, seules des dérogations ponctuelles à l’interdiction du travail du dimanche peuvent être octroyées par l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (OCIRT) aux entreprises qui en font la demande. Pour que ces dérogations soient admises par l’OCIRT, les entreprises doivent prouver l’existence d’un « besoin urgent » justifiant l’emploi des salarié-e-s. Toujours selon la loi, ces besoins urgents peuvent être constitués par des travaux de sécurité techniques ou publiques, par des travaux supplémentaires imprévisibles ou finalement dans le cadre de l’organisation d’évènements culturels, sportifs ou de société. A moins que la date de Noël 2018 soit devenue tout d’un coup imprévisible, le choix du Département reste donc pour le moins questionnable.

Rendue publique le 18 décembre, cette décision est attaquable par les ayants droit qui sont autorisés à formuler un recours en l’espace de 30 jours. En qualité d’association de défense des travailleurs, le syndicat Unia a donc pris la décision de déposer recours ce vendredi 21 décembre. Nonobstant levée de l’effet suspensif dans l’intervalle par la Cour, Manor ne pourra donc pas employer son personnel dimanche 23 décembre comme il le prévoyait.

Une décision politiquement indéfendable

La question du travail dominical est un élément particulièrement sensible du partenariat social dans la branche du commerce de détail. Alors qu’un contre-projet avait été adopté par la population le 27 novembre 2016 prévoyant la possibilité d’employer le personnel 3 dimanches par année à condition qu’une convention collective existe, l’Entente a fait voter en coup de force un projet « temporaire » en septembre 2018 visant à tester le travail dominical en l’absence d’une CCT. Un référendum ayant été lancé, aucun dimanche ne peut être ouvert cette fin d’année et une nouvelle votation devrait avoir lieu au printemps 2019.

La demande de dérogation effectuée par Manor ne surprend pas et représente ici clairement la volonté affichée des associations patronales de la branche de passer en force, au mépris des décisions populaires exprimées. Loin de nécessiter qu’un surcroît de travail soit encore demandé au personnel, Manor avait en effet tout loisir d’engager des auxiliaires supplémentaires pour cette période chargée.

L’absence de planification ou d’effectifs ne saurait en tous les cas justifier qu’un Office cantonal accorde de telles dérogations, lesquelles vont manifestement à contre-sens de la protection de la santé des travailleuses et travailleurs, ainsi que du maintien du partenariat social qui sont au cœur de la mission de l’OCIRT.

Contacts :

Pablo Guscetti, secrétaire syndical en charge du commerce de détail : 079 810 66 02

Audrey Schmid, responsable secteur tertiaire : 079 176 87 83