En première ligne : le portrait exemplaire d’employé-e-s de EMS 1

Dans le but de sensibiliser les Genevois-es sur ce secteur essentiel trop peu connu, Unia Genève brosse le portrait à la fois brut et sans concession de 3 travailleur-eus-s des EMS du canton de Genève. On dénombre plus d’une cinquantaine d’établissements sur l’ensemble du territoire et ils ont pour but de prendre en charge les personnes âgées « qui ne peuvent plus être assumées par les structures intermédiaires, le maintien à domicile, par la famille ou par l'entourage ». Les EMS ont la particularité d’être fortement subventionnés par l’Etat, ce qui devrait les rendre plus attentifs aux conditions des résident-e-s et des employé-e-s. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas.

Aujourd’hui, pour notre premier portrait, nous avons décidé de mettre en lumière le quotidien de Manon* qui travaille dans un EMS de la rive droite. Le Covid19 n’est, évidemment, qu’un problème de plus s’ajoutant aux autres.

Cette femme, au caractère bien trempé, a passé de longues années à lutter pour obtenir sa place dans la cité de Calvin. En effet, originaire d’un pays du sud de l’Europe, tout ce qu’elle a obtenu l’a été grâce à la sueur de son front et au sacrifice. Depuis maintenant une bonne dizaine d’année, elle travaille dans cet EMS de la rive droite possédant plus de 65 lits et, malgré la pénibilité du travail, cette extraordinaire femme de chambre garde toujours les yeux pétillants de sa jeunesse. Travailler dans les EMS, « ça a toujours été mon choix » dit celle qui voulait « soit travailler avec des personnes âgées soit travailler avec des enfants ».

« Le coronavirus, je n’ai pas peur pour moi, j’ai peur de contaminer mes enfants »

Lorsque la pandémie est soudainement devenue une réalité à Genève, la direction de l’EMS a convoqué le personnel hôtelier pour leur informer de la situation. Elle leur a expliqué brièvement les nouvelles mesures auxquelles les travailleur-euse-s devaient dorénavant se soumettre. Le lavage de mains, la distribution masque et le respect des distances minimales entre personnes ont été, entre autres, les thèmes abordés. D’après sa direction, les gants ne protègent pas du virus, mais Manon n’est ni à l’abri du Covid19 ni d’attraper d’autres maladies lorsqu’elle doit nettoyer des toilettes usées ou le lit de nos seniors : « ils ont dit que les gants ça ne servait à rien, mais moi je les mets quand même ». « Le coronavirus, je n’ai pas peur pour moi, j’ai peur de contaminer mes enfants » dit-elle en regardant ces mains usées par les années de labeur.

« Maintenant, je fais le travail pour 3 »

Avant le Covid19, le manque de personnel était déjà une problématique qu’Unia Genève avait porté à connaissance de l’Etat. Le syndicat avait en effet fait signer une pétition dans l’ensemble des EMS du canton pour interpeller le Grand Conseil et demander le respect des résultats de l’Initiative 125. Nous avions été convoqués par les député-e-s membres de la commission des pétitions au début du mois de février. Mais suite aux derniers évènements, le dossier est aujourd’hui suspendu.

Le taux d’absentéisme, déjà important pour le secteur, a explosé ces derniers jours. « La situation est encore pire qu’avant. Il y a beaucoup d’intérimaires » et sa responsable est heureuse de compter sur Manon pour affronter la crise. Les cadres de direction essaient d’ « amadouer » les travailleur-euse-s en leur disant : « il ne faut pas avoir peur, on a juste le cas de ce monsieur untel que vous connaissiez déjà, mais c’est réglé».

Les employé-e-s « fixes », comme elle, tombent comme des mouches ; ce qui rend le travail encore plus compliqué qu’avant. Le surmenage lui brise le dos et le manque d’effectif criant lui rappelle chaque jour qu’il n’y a « personne pour nous aider ». Avant la crise sanitaire, Manon travaillait pour deux, « maintenant je fais le travail pour trois » soupire-t-elle lentement.

« Avant on les voyait tous les jours, maintenant il n’y a plus personne »

Manon n’est pas dupe. Durant toutes ces années, elle a pu constater un effondrement dans les relations entre elle et la direction de l’établissement où elle travaille.

Au-delà du peu de gratitude et du refus de la direction de reconnaitre la pénibilité de l’emploi, la méfiance s’est installée pour de bon et a eu raison des bonnes intentions.

L’EMS en question recevrait, d’ici peu, un contingent de personnes venant des HUG afin de soulager le personnel, affirme-t-elle sans grande conviction. Pour Manon, le problème c’est qu’«ils [la direction] nous ont tellement menti que on ne sait pas. On se laisse à la volonté de Dieu ».

Et de conclure, « est-ce que vous voyez quelqu’un de la direction dans les étages ? Avant on les voyait tous les jours pour nous surveiller, maintenant il n’y a plus personne. ».

*nom d’emprunt

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