Harcèlement sexuel au travail : le combat des salariées

En cette Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, six employées des secteurs de la restauration et de la santé ont témoigné de leur douloureuse expérience liée au harcèlement sexuel. A l’aide du syndicat Unia, elles se sont battues pour faire cesser ces agissements sur leur lieu de travail.

Cette dernière année, le syndicat a constaté une recrudescence de dénonciations de cas de harcèlement sexuel au travail. «Le mouvement #MeToo et la Grève des femmes ont changé la donne dans le monde du travail. La parole se libère et les femmes se solidarisent davantage pour faire face ensemble aux situations de harcèlement sexuel», explique Camila Aros, secrétaire syndicale.

C’est le cas des employées d’une chaîne de fast-food nord-américaine à Genève. «Notre manager a harcelé sexuellement la plupart d’entre nous. D’abord il essayait de nous draguer, nous envoyait des messages personnels ou nous appelait en dehors de nos heures de travail. Dès qu’on mettait des limites, il devenait agressif et insultant. Il nous rabaissait devant les autres collègues et nous pénalisait au moment de faire les plannings», raconte Pauline*.

Sa collègue, Cristina*, a très mal vécu cette situation: «Travailler avec cette personne est devenu extrêmement difficile pour ma santé psychologique. J’ai éclaté en larmes à de nombreuses reprises rien qu’en étant en sa présence. J’ai subi une telle violence de sa part que j’ai dû consulter un psychologue. J’ai fait des crises d’anxiété et des crises de panique. J’ai été pendant deux mois en arrêt maladie.»

«Le déclic qui nous a fait contacter le syndicat c’est que cette personne allait devenir le directeur d’un nouveau restaurant. On ne pouvait pas imaginer travailler sous ses ordres. Il allait avoir tous les pouvoirs sur nous», explique Pauline*.

A la suite de l’intervention d’Unia, une enquête externe a été menée. Mais malgré des dizaines de témoignages à l’encontre du manager, la direction a décidé de le garder. Ce n’est qu’après avoir prévenu les responsables internationaux de la marque que cette personne a été licenciée.

 

Drague lourde, propos sexistes, attouchements...

Dans un autre fast-food de Genève, le harcèlement est complètement banalisé. «Dans l’établissement où on travaille, la plupart de nos collègues hommes nous ont harcelées, nous, les employées femmes. Drague lourde, propos sexistes, attouchements non désirés et insultes ont été notre quotidien», explique Claire*, actuellement en arrêt maladie.

Sophie*, sa collègue, a souhaité témoigner par vidéo, ne se sentant pas capable de répondre aux questions des journalistes. «Cela fait un an que j’ai quitté l’entreprise, mais il m’est encore difficile de parler de ce que j’ai vécu. Dès que j’ai commencé à travailler dans cet établissement, trois de mes collègues n’ont pas cessé un jour de me harceler sexuellement. Comme j’avais honte, j’ai gardé le secret pendant des mois jusqu’à ce que j’aie pété les plombs. Quand j’ai enfin pu en parler avec le directeur, il a mis la faute sur moi. Il m’a dit que je devais m’habituer à ce genre de situations qui arrivaient tout le temps et que je devais devenir plus dure.»

«Nous sommes allées ensemble au syndicat. Unies, c’était moins dur d’en parler, nous nous sentions plus fortes», raconte Claire*.

Actuellement, une enquête est en cours, visant entre autres à établir les faits reprochés à des membres de la direction de cet établissement.

 

Faire le pas

Le troisième cas concerne également un fast-food. «Dans mon établissement, le directeur et deux managers se croyaient tout permis. Manque de respect et remarques désobligeantes étaient quotidiens. Nous avons pris du temps à réagir, nous avions de la peine à admettre qu’on était des victimes. Depuis l’intervention d’Unia, il y a eu beaucoup de changements. Un des managers a été licencié et maintenant nos collègues font très attention à leurs dires.»

Le syndicat est également contacté par des femmes qui témoignent de harcèlement sexuel, mais qui finalement décident de ne pas entreprendre de dénonciation. «La peur des représailles et de la stigmatisation est importante» révèle Anna Gabriel, responsable du groupe des femmes d’Unia.

D’autres, comme Maria*, employée dans un établissement de la santé, osent faire le pas. «Il n’y a pas de témoins de l’attouchement que j’ai subi, c’est sa parole contre la mienne. J’ai dû raconter l’épisode plus de 7 fois, j’ai été en arrêt maladie. Le protocole interne pour les cas de harcèlement sexuel a été mis en place, mais trop lentement. Du coup, c’est moi qui suis identifiée dans l’entreprise comme quelqu’un de problématique. Pendant mon arrêt, il a profité pour parler mal de moi. C’est dur à supporter.»

 

Formation spécialisée

Les cas individuels sont en effet plus difficiles à gérer. Souvent, il n’y pas de preuves ni de témoins. Les victimes, déjà fragilisées, doivent revivre les événements traumatisants à chaque stade de la dénonciation. Pendant la procédure, elles se sentent isolées.

Le syndicat Unia devient une des ressources importantes pour les femmes qui cherchent conseil dans ce domaine. Dès lors, une formation spécialisée est en cours pour le secrétariat syndical afin de perfectionner le protocole d’accueil et de suivi des cas collectifs et individuels.

*Prénoms d’emprunt.

Pour plus de renseignements :

Camila Aros, secrétaire syndicale, camila.aros[at]unia.ch

Anna Gabriel, responsable du groupe des femmes d’Unia, anna.gabrielsabate[at]unia.ch

 

Annexe : photo © Unia