En première ligne : le portrait exemplaire d’employé-e-s de EMS 2
C’est le tour de vous présenter Maria*, une assistante en soins et santé communautaire, profession que l’on a coutume d’abréger ASSC, qui travaille dans un grand Ems avec vue sur le Salève. La tranquillité du paysage et la beauté du lever du soleil lors du printemps ne font pas oublier les difficultés internes accentuées par la pandémie.
Jeune et débrouillarde, Maria a parcouru un long chemin qui ferait certainement rougir Ulysse, le héros grec.
Envoyée au bout du lac par ses parents, soucieux d’une meilleure vie pour leur fille, elle a relevé avec succès son premier défi : son intégration. Cette jeune femme mariée et mère de deux adorables enfants a surmonté, un à un, les obstacles qui se sont ensuite présentés à elle sans broncher.
Animée d’une attitude positive sans faille, celle pour qui s’« occuper des personnes âgées, c’était vraiment quelque chose que je voulais » a réussi à jongler entre les études, la famille et le travail pour réaliser son objectif : devenir une ASSC.
« Les intérims n’y sont pour rien, si en un seul jour ils ne sont pas suffisamment autonomes »
Vendredi, juste après le point de presse du Conseil d’Etat genevois où Mauro Poggia nous rassure, une fois de plus, en disant qu’"avec ou sans masque, rien ne remplace la distance entre les personnes. Les gouttelettes représentent un risque réel.", j’appelle Maria, membre active chez Unia depuis un an maintenant, pour prendre de ses nouvelles.
Depuis l’apparition du covid19, la surcharge de travail s’est encore accentuée au détriment des travailleur-euse-s de l’établissement. Et ce n’est pas l’augmentation exponentielle du personnel malade qui fera changer ce constat.
D’ailleurs, la politique implicite concernant les absences de l’Ems où travaille Maria est la suivante : si une personne n’est pas là au-delà de 3 jours elle est remplacée par du personnel intérimaire. Or, face à l’explosion des arrêts maladie, les temporaires ont substitué le manque d’effectifs entraînant des carences dans le service et l’attention des résidents. En effet, ces travailleurs précaires, utilisés comme « bouche-trous » par la direction, ne sont souvent pas familiers avec les résident-e-s et leurs nécessités, ce qui représente un désavantage important pour le fonctionnement en général.
Maria pointe du doigt la pauvreté du management car, pour elle, « le jour d’intégration des intérims est très mal organisé. En un seul jour, ils ne sont pas suffisamment autonomes pour nous soutenir ». Elle n’en reste pas là en affirmant haut et fort que « les intérims n’y sont pour rien » si la direction ne veut pas pallier le manque d’effectif en engageant des aides soignant-es fixes.
« On est en train de devenir une industrie »
La direction de Maria donnait, dans un premier temps, l’impression d’avoir pris la menace de la pandémie au sérieux en convoquant le personnel à des séances régulières d’information sur les mesures à suivre.
Mais lorsque le premier cas covid19 est apparu, les informations ont soudainement été données au compte-goutte et de l’aveu de sa direction, cette dernière ne savait pas « où le mettre ». Les cas ont commencé à s’accumuler et il a été décidé de rassembler les personnes infectées dans une seule unité. Le déménagement c’est fait en l’espace « d’une journée éprouvante pour tout le monde, ce n’était juste pas humain. »
Dans les médias, on parle toujours des victimes âgées alors que le personnel soignant est souvent relégué au deuxième plan. Dans l’Ems de Maria, on compte une dizaine de cas de travailleur-euse-s contaminés par le Covid19. Si on lui demande combien de personnes seraient concernées par le virus, elle nous dit ne pas savoir. « Ils nous cachent plein de choses. Je me suis dit, au début, que peut-être qu’ils ne voulaient pas nous affoler ». Mais au final c’est l’effet inverse qui s’est passé.
Le manque d’effectifs, les carences managériales et les tensions entre les collègues ne doivent pas faire oublier que ce sont les résident-e-s qui pâtissent le plus de la situation. « On est en train de perdre le lien affectif avec les résidents, on est en train de devenir une industrie, c’’est pas correct de le dire mais c’est devenu comme ça ».
« Quand on veut, on peut »
Dans un secteur où la peur de la hiérarchie est un secret de polichinelle, les cas de résistance sont suffisamment rares pour les signaler. « Des aides-soignantes se sont manifestées auprès de leur cheffe parce qu’elles ne voulaient pas travailler coté covid » sachant qu’il n’y avait « ni lunettes, ni surblouse, ni protège-pieds ». Pensant pouvoir retourner la situation en sa faveur, « la cheffe qui n’a pas aimé cette attitude, les a engueulés ». Face à la fermeté des aides-soignantes, la responsable a dû se résoudre à accéder, « à contre cœur », aux revendications du personnel.
Le matériel était là au bout d’une heure « parce que quand on veut, on peut ».
Même si les conditions de travail se sont fortement dégradées - ça ne date pas de hier - ces femmes et ces hommes essayent chaque jour de donner un sens à leur vocation afin que les résident-es reçoivent la dignité qu’ils méritent dans cette étape finale de leur vie.
« Moi, peur ? non ! Si je vais au travail c’est par volonté de m’occuper des personnes, mes résidents » et de finir par cet appel d’amour : « Gardons la tête haute parce que c’est un beau métier qu’on fait ».
*nom d’emprunt