Baisse de salaires chez Epsilon ? Le personnel riposte

Plus que jamais, durant la pandémie, il s’est avéré que la distribution matinale des journaux correspond à un service essentiel à la population : les porteuses et porteurs travaillant pour Epsilon ont trouvé des centaines de mots de remerciements sur les boîtes aux lettres, car leur travail n’a jamais cessé. La Poste, propriétaire d’Epsilon, les remercie à sa manière : en annonçant une baisse de salaires. Cette décision est d’autant plus choquante que les Chambres fédérales débattent actuellement de l’aide indirecte à la presse qui prévoit notamment une subvention à hauteur de plusieurs millions de francs à la distribution matinale de journaux.

Qu’il neige ou qu’il pleuve, les salarié-e-s d’Epsilon se lèvent tous les matins à l’aube pour que votre journal soit disponible à votre domicile avant que vous alliez travailler. Et plus que jamais, durant la pandémie, il s’est avéré que la distribution matinale des journaux correspond à un service essentiel à la population : ces derniers mois, les porteuses et porteurs de journaux ont trouvé des centaines de mots de remerciements sur les boîtes aux lettres, car leur travail n’a jamais cessé.

CHF 600'000 d’arriérés salariaux et CHF 180'000 d’amende

Et ce à des conditions salariales qui ne font pas rêver : le salaire minimum se situe à l’engagement à CHF 21.20, vacances, jours fériés et 13e salaire inclus. Et pour rappel : ce n’est qu’après une longue lutte en 2018 et 2019 que le personnel, aidé par le syndicat Unia, a enfin su obliger Epsilon à payer les salaires minimums en vigueur, ainsi que CHF 600'000 d’arriérés. La Poste, propriétaire d’Epsilon, avait d’ailleurs écopé à l’époque d’une amende de CHF 180'000 pour non-respect des conditions minimales obligatoires.

Restructuration sur le dos du personnel

Or, au lieu de leur accorder une prime exceptionnelle pour les risques pris durant la pandémie, La Poste a annoncé au personnel genevois et lausannois début mai des baisses de salaires : alignement sur le salaire minimum obligatoire, réduction du 13e salaire et diminution des indemnités pour travail de nuit. Une période de consultation avec les syndicats a été ouverte jusqu’au 10 juillet. Raison de cette restructuration annoncée : le déficit chronique de la distribution matinale des journaux, mise à mal par la crise que traverse la presse actuellement.

Personnel indigné

Les délégués du personnel genevois se sont indignés ce matin devant le bâtiment de La Poste, accompagnés par une vingtaine de collègues en colère. « Nous sommes un personnel extrêmement loyal, la plupart d’entre nous travaillons pour Epsilon depuis de longues années, malgré des conditions difficiles, notamment durant la pandémie, et des salaires qui nous obligent à cumuler plusieurs emplois », explique Aquilino, et d’ajouter avec amertume : « C’est comme ça qu’on nous remercie ! ». « Ce n’est pas à nous de payer pour la mauvaise gestion des dernières années », s’exclame José qui regrette que la motivation du personnel, qui est aujourd’hui à son pic après les mobilisations de 2018-2019, risque de s’effondrer d’un coup. « La population reconnaît notre travail comme essentiel », conclut Antonio, dont les tournées matinales couvrent pour l’essentiel des ménages de personnes âgées. « Mais La Poste nous traite comme des employés de deuxième catégorie, nettement moins payés que nos collègues postiers, et ils veulent encore nous baisser les salaires. »

Subvention en vue ? Le double jeu de La Poste

La volonté de La Poste de baisser davantage les salaires des employé-e-s d’Epsilon paraît d’autant plus choquante, que le Parlement fédéral s’apprête à reconnaître lui aussi la distribution matinale comme suffisamment importante pour justifier un financement . En effet, dans le cadre des débats autour de l’aide indirecte à la presse, le Conseil aux Etats a déjà voté le principe d’une subvention de 40 millions de francs devant servir notamment à couvrir les déficits de cette prestation. Selon Lisa Mazzone, conseillère aux Etats Verte, « il va de soi que cette aide doit profiter aux salarié-e-s des entreprises de distribution comme Epsilon ». Le socialiste Christian Dandrès qui siège au Conseil national, auquel le sujet échoit maintenant, indique quant à lui le double jeu de La Poste qui « profite, comme régie fédérale, d’une subvention fédérale, mais qui sous-traite une partie du service public à des filiales qui pratiquent une politique salariale indécente ».

Annulation des mesures exigée

Au vu de l’imminente votation par le Parlement, le syndicat Unia exige que La Poste retire son plan de restructuration. « Nous comptons non seulement sur une très forte sympathie pour le personnel de distribution de la part de la population, mais aussi d’un appui politique important » a déclaré Anna Gabriel, secrétaire syndicale d’Unia Genève. Toute autre décision ne serait pas comprise. Sans compter sur la volonté du personnel d’envisager des mesures de lutte au cas où La Poste devait maintenait les baisses de salaire.

Contacts: 

Anna Gabriel, Unia

Alessandro Pelizzari, Unia