Mesures anti-covid: Le Tribunal de police confirme que les salarié-e-s ne peuvent être tenu-e-s pour responsables de leur application
Amender les salarié-e-s ou quand le travail coûte plus cher qu’il ne rapporte
Le lundi 26 octobre 2020 à 20h10, Madame X sert les client-e-s dans l’établissement où elle est employée comme serveuse à temps partiel. Sa cheffe s’est absentée et elle se trouve toute seule. Elle est derrière le bar pour servir un client lorsqu’une unité de police entre afin de procéder à un contrôle du respect des mesures anti-covid. L’unité constate que le client qui se fait servir a bien décliné son identité dans le formulaire prévu à cet effet mais qu’un autre, en attente, ne l’a pas fait malgré l’invite de la serveuse. Madame X reçoit d’abord une amende de 2500 francs avant que ce montant ne soit revu à la baisse à 1750 francs, compte tenu de sa situation financière, ce qui représente toujours le double du salaire qu’elle perçoit pour son activité à taux réduit.
Dans sa contestation, Madame X fait évidemment valoir qu’elle n’est pas responsable de l’établissement dans lequel elle officie comme simple serveuse. Elle indique également sa bonne foi dans l’application des règles de prévention, mais précise qu’il lui est impossible de s’assurer que tous les client-e-s remplissent ce formulaire dès leur entrée. Ceci nécessiterait qu’elle se tienne sur le pas de la porte, l’empêchant de facto de servir les consommations dans le même temps. Madame X explique dès lors qu’elle procède à cette vérification lorsqu’elle sert les client-e-s et ne peut être tenue pour responsable du manque de moyen matériel déployé par le propriétaire de l’établissement. Le 18 juin 2021, le Service des contraventions balaye l’opposition en considérant qu’aucun élément nouveau n’est apporté par Madame X.
Le Conseil d’Etat ne doit pas se tromper de cible
Soutenue par le syndicat Unia et par son avocat, Me Raphaël Roux, Madame X défend son cas lors d’une audience qui se tient le 7 juin 2022. Dans le jugement notifié par oral, le Tribunal de police retient que Madame X ne pouvait être considérée comme «responsable d’un café-restaurant» au sens de l’Arrêté pris par le Conseil d’Etat, de sorte qu’elle n’aurait pas dû être amendée.
Au-delà du caractère anecdotique de ce cas – qui a malgré tout failli coûter deux mois de salaire à une serveuse – le syndicat Unia considère qu’il reste emblématique du traitement dont ont fait l’objet les salarié-e-s durant la crise Covid, largement oubliés des aides publiques au regard de celles déployées pour soutenir les employeurs. Il est en effet clair que si des employé-e-s de la restauration ont été amendé-e-s, c’est que des directives avaient dû être données en ce sens. Face à cela, il est dès lors nécessaire de réaffirmer qu’il est de la responsabilité des propriétaires et exploitants de prévoir suffisamment de personnel pour que les mesures de prévention soient matériellement applicables.
Une véritable politique de prévention ne cherche pas seulement des «coupables», mais instaure un dispositif à même d’offrir une réelle prévention pour la population. Le Conseil d’Etat est donc prié à l’avenir de ne plus se tromper de cible en visant les salarié-e-s à la place de leur patron.
*Très touchée par toute cette affaire, Madame X nous a donné son autorisation pour communiquer sa situation de manière anonyme, mais ne souhaite pas témoigner, ni être identifiée.