Des agences de placement et des hôteliers s’engraissent sur le dos des temporaires les plus précaires

Dans les hôtels de luxe du canton de Genève, des journées d’essai non-payées sont souvent imposées aux intérimaires les plus fragiles. Des entreprises de location de services et des responsables hôteliers ont entériné cette pratique. Le syndicat Unia dénonce ces journées de travail gratuites en violation des salaires minimaux légaux et invite tous les salarié-e-s concerné-e-s à le contacter.

Le syndicat Unia a enquêté sur une pratique très répandue au sein des agences de placement. Des jours « de formation » ou « d’observation » non-rémunérés sont imposés aux travailleuses et aux travailleurs temporaires les plus précaires, en totale infraction avec les usages et le salaire minimum cantonal.

Le secteur de l’hôtellerie est particulièrement concerné. Femmes de chambre et personnel de nettoyage paient depuis des années le prix de la forte concurrence qui règne sur le marché de la location de services.

François*, ancien cadre chez One Placement et ayant également de l’expérience au sein d’un concurrent, revient sur cette pratique : « Afin de consolider les partenariats avec les clients hôteliers, les agences leur mettent à disposition du personnel non qualifié durant un, deux ou trois jours. Selon un accord réciproque et officieux, les clients ne prennent pas en charge financièrement ces premiers jours d’essai. Les boîtes d’intérim non plus d’ailleurs. »

Le personnel fourni gracieusement doit être bien choisi. Des migrants nouvellement arrivés et ne comprenant pas bien le français risquent moins de se plaindre. Tel est le cas de Yusuf*, en Suisse depuis février 2011 et engagé comme nettoyeur par Hotelis à La Réserve, cinq mois plus tard. « Lorsqu’on m’a dit que les trois premiers jours d’essai ne seraient pas payés, je n’ai rien dit. J’avais vraiment besoin de ce travail. »

Mais il arrive que, même avec de l’expérience, ces jours de « formation » soient imposés, comme dans le cas de Maria*. « J’ai été engagée par Hotelis lorsque l’entreprise pour laquelle je travaillais a perdu le mandat à l’Hôtel Ramada. J’avais déjà de l’expérience au sein de l’établissement. Mes nouveaux responsables m’ont quand même imposé une formation de trois jours. Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte que ces jours ne m’avaient pas été rémunérés. »

Amadou* a eu plus de chance, parce qu’il a osé se plaindre. « Lorsque la société One Placement m’a engagé pour travailler à l’Hôtel d’Angleterre, j’avais déjà travaillé pour d’autres établissements comme serveur et maître d’hôtel. J’ai prouvé mon expérience et finalement j’ai été payé. »

Le cas de Marine* est différent, mais montre la cupidité de certaines agences de placement. « Sans avoir de l’expérience dans l’hôtellerie, j’ai envoyé une postulation à Hotelis. Le lendemain, on m’appelait pour me proposer une formation de 5 jours pour laquelle je devais payer 500.- Sur les 20 personnes qui ont suivi la formation avec moi, seules trois ont été retenues pour le poste. Les autres ont perdu les 500.- ! »

Unia appelle les agences temporaires et les hôtels à cesser d’exploiter des plus faibles et à se conformer aux prescriptions légales ! Le paiement du salaire dès le 1er jour est un droit qui doit être respecté.

Les sociétés d’intérim qui pratiquent de la sorte doivent non seulement cesser dans l’immédiat de le faire, mais sont également tenues de rétribuer dans les plus brefs délais le salaire manquant à toutes les victimes. A cet effet, le syndicat invite toute personne ayant subi ce préjudice à le contacter.

Le syndicat Unia invite également les exploitants des hôtels à prendre leur responsabilité et à s’assurer dorénavant que le personnel au service de leur établissement soit correctement rémunéré. Les régies publiques sont également incitées à faire de même.

Unia a porté cette affaire devant les inspections qui se chargent de contrôler le respect du salaire minimum cantonal. Des enquêtes sont actuellement en cours.

*Prénoms d’emprunt