Salaire minimum légal : un peu d’ordre dans la jungle des stages
Lutte tripartite contre les faux stages
Depuis 2016, soit bien avant l’entrée en vigueur du salaire minimum légal (SML), les partenaires sociaux (UAPG et CGAS) et l’Etat, réunis au sein du CSME, ont décidé de mettre fin à la prolifération dans l’économie privée de primo-emplois constitutifs de sous-enchère salariale sous couvert de soi-disant « stages ». En matière de contrôle du marché du travail, cela signifie considérer tout « stage » n’entrant pas dans un cursus de formation certifiant ou dans un dispositif d’insertion sociale ou professionnelle règlementé par le droit fédéral ou cantonal comme un véritable emploi devant respecter les usages de la branche.
Dans ce domaine, l’introduction de SML n’a fait que combler une lacune : fixer un salaire plancher obligatoire là où il n’y en avait aucun, concrétisant ainsi l’approche tripartite de la lutte contre la sous-enchère sur le dos de travailleuses et travailleurs qui entrent sur le marché du travail.
Trier le bon grain de l’ivraie
Dans la foulée, l’Etat, après avoir enfin admis que les conventions collectives étendues leur sont également applicables, a appliqué le salaire minimum légal aux « Emplois de solidarité » (EdS), emplois à durée indéterminée, mettant ainsi fin à une décennie de mépris et de sous-enchère institutionnalisée à l’égard de travailleuses et travailleurs expulsé-e-s du marché du travail et taxé-e-s de « peu productifs-ves » sous prétexte de « distance à l’emploi », alors qu’un EdS est justement… un emploi.
Car il ne suffit pas de coller une étiquette de « cas social » sur le front de travailleuses et travailleurs précarisé-e-s pour justifier de les considérer comme chair à canon d’un prétendu « marché secondaire de l’emploi » échappant à toutes règles sociales, dont celui de bénéficier d’un salaire décent.
Renforcer l’intégration sociale et professionnelle
Les véritables stages d’insertion sociale et professionnelle ne sont pas menacés. Contrairement à ce que laisse entendre l’article du Temps, la plupart perdurent aujourd’hui. Certaines institutions ou communes ont adapté leurs dispositifs, réhabilitant, grâce au salaire minimum légal, le caractère intégrateur, socialement et économiquement, d’un salaire décent. Cela a sans doute un coût sur le court terme, mais il n’y a pas de raison que les collectivités publiques n’y participent pas.
Il y a en revanche d’autres situations qui peuvent justifier une exemption au SML. Mais il convient d’en définir des critères objectifs au-delà des étiquettes et du social washing derrière lequel se drapent certains employeurs ou riches communes pour justifier la sous-enchère à laquelle ils se livraient jusqu’à aujourd’hui sans se poser de questions, même si parfois sans mauvaises intentions. C’est ce à quoi s’emploient les partenaires sociaux et l’Etat au sein du CSME, en collaboration avec les communes, travaux qui devraient aboutir à clarifier la situation prochainement.
Enfin, il y a lieu de s’interroger, et surtout d’agir, sur les causes de l’exclusion sociale que subissent de nombreux jeunes et moins jeunes, sur la précarité dans laquelle sont plongées leurs familles, sur la violence économique et sociale qu’ils-elles subissent, et sur l’absence de perspectives que leur offre un monde du travail toujours plus dur et orienté vers la rentabilité maximale et immédiate. Mais ça, c’est évidemment moins facile que de tirer sur l’ambulance qu’est le salaire minimum légal.