Accord historique trouvé: les travailleurs de Domino's Pizza finalement indemnisés
C'est début 2008 qu'une dénonciation publique du syndicat Unia et des travailleurs concernés permet de dévoiler la situation du personnel des restaurants Domino's à Genève. Les violations sont nombreuses mais constituent en particulier dans la non application de la Convention Collective de l'Hôtellerie-Restauration (CCNT). La société décide alors de se lancer dans une longue bataille légale sans concession en soutenant que la CCNT ne lui est pas applicable. Ceci manifestement à tort, puisque la Commission de surveillance de la CCNT confirme, à maintes reprises, l'application de la CCNT à tous les employés de la société, entraînant petit à petit, dès 2010, des améliorations des conditions de travail.
Face à l'obstination de la multinationale à nier les droits évidents des travailleurs, 14 employés genevois, soutenus par le syndicat Unia et leurs avocats, Me Christian Bruchez et Franco Saccone, se voient contraints, entre 2008 et mi-2009, de déposer chacun une demande en justice par-devant la Juridiction des prud'hommes. La plupart d'entre eux, dégoûtés par la situation, décident aussi de changer d'employeur.
Devant les tribunaux, Global Brands SA n'a eu de cesse d'employer toutes les ficelles procédurales à des fins purement dilatoires et à la limite de la témérité: demandes de récusation injustifiée de l'ensemble du Tribunal; recours et incidents infondés et chicaniers; insistance pour faire amener des témoins récalcitrants par la force et, finalement, une fois en audience, renoncer à les interroger; non production de pièces dont la mise à disposition avait pourtant été ordonnée par les Juges; production désordonnée de pièces incomplètes et parfois proche de l'illisibilité; changement incessant de représentant de la société (n'ayant le plus souvent aucune connaissance des faits instruits) lors des différentes audiences, etc.
Durant l'automne 2012, deux des employés ont obtenu totalement gain de cause sur absolument toutes leurs prétentions, largement amplifiées par rapport à la première instance, par arrêt de la Chambre des prud'hommes (seconde instance cantonale statuant avant le Tribunal fédéral) laquelle a confirmé que la CCNT était applicable à l'activité de Domino's.
Faisant face aux atermoiements procéduraux susmentionnés, l'instruction en première instance de la procédure des 12 autres demandeurs n'était pas encore terminée à la fin de l'été 2012 (actions déposées en juillet 2009) !
Dans l'intervalle, non sans avoir au préalable transféré, courant 2011, le patrimoine de sa succursale suisse à une société helvétique (Domino's pizza SA) en toute opacité puisque la transaction ne figure pas au registre du commerce, la société luxembourgeoise Global Brands SA vendait, courant 2012, toujours sans en informer les demandeurs, les actifs de Domino's pizza SA qu'elle contrôlait toujours à une nouvelle société: Domino's pizza Sàrl, soutenue par des fonds d'investissements anglais.
Face au risque de recours ultérieurs et d'une possible prescription d'autres cas potentiels à déposer en justice, le syndicat Unia décide, en septembre 2012, de réactiver le conflit avec la société et, en collaboration avec les anciens et actuels travailleurs de Domino's, lance un préavis de mobilisation du personnel à la nouvelle direction.
Le nouveau management doté heureusement d'une autre sensibilité, décide de rencontrer les représentants des travailleurs et se pose en médiateur avec les anciens patrons, les poussant à trouver une solution transactionnelle aux litiges en cours.
Après plus de deux mois d'intenses négociations tenues à Genève, un accord a finalement été trouvé: les 14 travailleurs sont immédiatement indemnisés d'un montant global d'environ 360'000 francs brut et pourront en plus prétendre, dans deux ans, à une indemnité supplémentaire allant jusqu'à 100'000 francs en fonction des résultats des repreneurs. En contrepartie, les travailleurs ont retiré leurs demandes pendantes en justice.
Par ailleurs, la nouvelle attitude du groupe Domino's a permis au syndicat Unia d'ouvrir des relations formelles et d'obtenir l'accord de principe de se revoir début 2013 pour formaliser le respect des droits syndicaux des travailleurs au sein de l'entreprise. Plusieurs propositions ont d'ores et déjà été discutées et seront reprises en 2013 par les deux parties lors d'une nouvelle séance de négociation.
Contacts
- Umberto Bandiera, secrétaire syndical Unia
- Me Christian Bruchez, Me Franco Saccone, Etude Waeber, Membrez, Bruchez, Maugué