Prise de position du 24 avril 2015 concernant les projets de modification de la loi sur les étrangers: mise en œuvre de l'art. 121a Cst et adaptation du projet de modification de la loi fédérale sur les étrangers.
Le Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME), institué en tant que commission tripartite du canton de Genève au sens de l'art 360b du code des obligations, prend position dans le cadre de la procédure de consultation sur les projets de modification de la loi sur les étrangers.
Libre circulation des personnes
Le CSME réaffirme avec conviction son soutien à la voie bilatérale et à la libre circulation des personnes. Il rappelle que l'ouverture de notre marché du travail, accompagnée d'un dispositif efficace de mesures d'accompagnement, et l'accès facilité à l'Union européenne (UE), notre premier partenaire, sont garants de la prospérité de notre région et d'une forte création d'emplois. Dès lors, le CSME estime qu'une appréciation globale et définitive du projet ne pourra avoir lieu qu'une fois connu le résultat des discussions avec l'UE en vue d'une adaptation de l'accord sur la libre circulation des personnes. Il émet toutefois d'ores et déjà les remarques suivantes sur les points essentiels de l'avant-projet.
Contrôle des conditions de rémunération et de travail
Le CSME considère que seul un dispositif de contrôle a posteriori des conditions de travail permet de protéger les travailleurs des risques de sous-enchère abusive et les entreprises de la concurrence déloyale. Un dispositif de contrôle a priori sans contrôle ultérieur sur place se prête en effet relativement facilement à l'abus, dans la mesure où il se limite à contrôler l'engagement du respect des conditions de travail. Il ne permet pas de contrôler les conditions effectives de travail.
Considérant la situation particulière de certains cantons demandant de permettre la mise en place d'un système de contrôles a priori, notamment en cas d'abus manifestes, tout en maintenant le dispositif de contrôles a posteriori, le CSME estime que la variante proposée par le Conseil fédéral de prévoir un contrôle sommaire des conditions de rémunération et de travail correspond à cette attente. Il convient de préciser toutefois à cet égard que le critère d'une source de revenus suffisante et autonome n'est pas pertinent dans le contrôle des conditions de travail usuelles. Les cantons doivent de plus être libres d'instaurer ou non un contrôle sommaire a priori, subsidiaire au contrôle a posteriori existant.
Le CSME relève que le maintien et le développement d'un dispositif efficace de lutte contre la sous-enchère sociale et salariale et la concurrence déloyale est une condition fondamentale pour s'assurer de l'acceptation et du soutien par la population des accords bilatéraux et de la libre circulation des personnes en particulier. Dans la mesure où elles sont été mises en œuvre, les mesures d'accompagnement ont démontré leur efficacité et leur adéquation. La préservation de l‘accord sur la libre circulation des personnes ne peut s'accommoder d'un affaiblissement, voire d’un simple statu quo sur le terrain de la protection du marché du travail, mais doit prévoir au contraire une série d’améliorations comme l'optimisation du dispositif d'extension facilitée des conventions collectives de travail (CCT) et du dispositif de contrat type de travail (CTT) ainsi qu’un renforcement des contrôles et des sanctions. Le Conseil fédéral doit affirmer tant auprès de son partenaire européen que de la population suisse que la surveillance du marché du travail n'est pas négociable. Le CSME prend donc acte avec une vive déception de la décision du Conseil fédéral du 1er avril 2015 de suspendre le projet relatif à la loi fédérale sur l'optimisation des mesures d'accompagnement, à l'exception de la hausse des amendes définies dans la loi sur les travailleurs détachés.
Il regrette également certaines formulations dans la version en langue française du rapport explicatif, s'agissant du maintien du dispositif actuel de mesures d'accompagnement, indiquant que "les mesures d'accompagnement ne joueront en l'occurrence plus qu'un rôle mineur" ou que le "nombre de contrôles effectués au titre des mesures d'accompagnement peut être sensiblement réduit". Affirmer cela revient à nier le rôle déterminant de ces mesures dans le maintien d'un marché du travail sain.
Regroupement familial et droits sociaux
Dans sa prise de position du 13 février 2014, le CSME avait demandé que soient impérativement prise en compte la possibilité d'engager en nombre suffisant de la main d'œuvre étrangère pour les entreprises tout en préservant au mieux les droits sociaux, et le regroupement familial. A cet égard, il regrette le contingentement du regroupement familial pour les durées de séjour supérieures à un an.
Le CSME souligne aussi le risque d'un recours abusif aux catégories "hors contingent" (moins de quatre mois) par certaines branches, entrainant une précarisation des travailleurs concernés. On comprend d’ailleurs mal l’argumentation du Conseil fédéral qui considère qu’une « dérogation générale aux mesures de limitation pour les séjours jusqu’à un an (…) ouvrirait la porte aux abus », mais pas une rotation encore plus rapide de la main d’œuvre, limitée à 4 mois.