Firmenich réduit son personnel, contourne sa CCT et crée du dumping salarial

Firmenich externalise et licencie

Entre 2011 et 2014, Firmenich est passé de 1920 à 1550 employés à Genève soit une suppression de 370 postes en trois ans. Externalisation de services à des entreprises sous-traitantes, réduction du personnel, délocalisation de produits ou de services et recours au travail temporaire ont permis au géant chimique genevois de réduire ses coûts et d’instaurer un climat de peur au sein de son personnel. Cependant, les récentes négociations avec Manpower et Firmenich au sujet du travail temporaire, l’enquête salariale dans la branche de la pharma-chimie à Genève menée par l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail ainsi que la mobilisation du personnel suite à l’externalisation d’un département à l’entreprise ISS qui a entrainé le licenciement de dizaines d’employés ont permis d’instaurer un début de rapport de force.

Le 27 avril 2015, Firmenich a annoncé l’externalisation du département Facilities Management et Real Estate (FREM) à l’entreprise ISS. Cette restructuration a entrainé le licenciement de 17 employés Firmenich et de dizaines d’employés d’entreprises sous-traitantes qui travaillent sur les sites chimiques telles qu’UNS, Axepta, DBS, Eltop ou CGC.

ISS s’est engagé à reprendre les employés Firmenich mais ne garantit pas une place pour tous les employés des entreprises externes. Ses besoins en personnel sont clairement vus à la baisse. Sans compter les conditions de travail qui vont se précariser, en tout cas pour les employés Firmenich. Ces derniers verront leurs conditions actuelles maintenues durant une année puis, ce seront les conditions de travail ISS qui s’appliqueront ce qui implique, entre autres, une réduction de salaire de 5 à 10%, des semaines de 42h au lieu de 40h et une chute importante des cotisations au 2ème pilier.

Face à cette situation, le syndicat Unia a mobilisé les employés de Firmenich et des entreprises sous-traitantes. Plusieurs assemblées générales se sont tenues et une pétition dénonçant une politique de course aux profits au détriment des conditions de travail a été signée par plus de 120 employés en un jour. La solidarité des employés Firmenich non licenciés a été marquante. La première assemblée générale qui s’est tenue le 11 mai a décidé de demander à Firmenich et ISS une période de consultation d’un mois et l’ouverture de négociations. Refus catégorique des deux employeurs. Unia a alors saisi la Chambre des relations collectives de travail (CRCT) afin de tenter une conciliation. Une délégation de quatre employés a accompagné le syndicat lors de l’audience. Malgré le nombre important d’employés licenciés, 80 en tout, Firmenich n’est pas dans l’obligation de négocier un plan social étant donné que la plupart des employés licenciés ne sont pas directement les siens même s’ils travaillent, pour certains, depuis plus de 20 ans sur les sites de l’entreprise chimique. Firmenich sous-traite et se déresponsabilise.

L’audience à la CRCT a permis d’ouvrir le dialogue. Des rencontres ont eu lieu entre ISS, Firmenich et Unia. Le but : connaître les besoins en personnel d’ISS, être informés du nombre précis d’employés licenciés et s’assurer qu’ils soient repris par ISS.

Suite à cette restructuration, le sous-traitant UNS licencie plus de 50 nettoyeurs. Nous sommes ici face à un licenciement collectif au sens du Code des obligations. Des démarches sont en cours afin d’entamer des négociations en vue d’un plan social.  

 

Plus de 250 temporaires à Firmenich

Firmenich emploie 1550 employés à Genève dont 560 employés de production soumis à la Convention collective de travail (CCT) de Firmenich. En plus, 250 employés intérimaires employés par Manpower travaillent sur les sites de l’entreprise dont certains depuis plus de huit ans. Ces derniers sont soumis à la Convention collective de travail nationale de la location de service. Cette CCT fixe des conditions de travail minimales mais aucune limite quant à la durée des contrats de travail temporaires. Dans une entreprise de l’industrie des machines, une employée était temporaire depuis plus de 20 ans. Peut-on encore parler de travail temporaire ?

Manpower est implanté chez Firmenich. Il y a des bureaux de ressources humaines Manpower dans les locaux de l’entreprise chimique qui gèrent ses 250 employés.

Evidemment, les conditions de travail des temporaires ne sont pas les mêmes que celles des fixes. Ils ne perçoivent pas de prime ni de participation financière à leur assurance maladie, ont moins de vacances et de congé paternité, touchent l’assurance perte de gain à 80% au lieu de 100% et leur salaire est nettement inférieur. Certains temporaires gagnent CHF 1000.- de moins par mois que les fixes à expérience et compétences égales.

En engageant autant de temporaires sur le long terme tout en gelant les embauches, Firmenich contourne sa CCT en créant du dumping salarial et en précarisant le travail et ses conditions. Cette situation a également un impact sur le personnel fixe car moins il y a d’employés fixes moins il y a de rapport de force pour maintenir ou améliorer les conditions de travail de la CCT.

Suite à l’automatisation d’une usine sur le site de Meyrin, Firmenich a annoncé, en septembre 2014, une réduction du personnel temporaire. Le 9 octobre 2014, Unia a organisé une première assemblée générale pour le personnel temporaire qui a voté une résolution qui demandait l’ouverture de négociations avec Manpower et Firmenich. Lors de cette assemblée, une délégation de temporaires a été élue afin d’accompagner le syndicat lors des négociations. Les deux employeurs sont entrés en matière et les négociations ont débutés le 20 novembre 2014.

Les négociations avaient pour but d’atténuer les effets des licenciements des temporaires, d’améliorer leurs conditions de travail et de réduire leur nombre. Après un certain temps, ces derniers devraient être engagés par Firmenich en tant que fixes et non être temporaires indéfiniment. Après cinq mois de négociations et de nombreuses assemblées générales, une Convention a été signée entre Unia, la délégation de temporaires, Firmenich et Manpower.

Cette Convention est entrée en vigueur le 31 mars 2015 et s’étend jusqu’au 30 juin 2016. On y trouve, entre autres, une prime de loyauté en cas de suppression de poste, un délai de congé de deux mois au lieu d’un, une limitation de la durée des nouveaux contrats temporaires fixée à trois ans ou l’engagement de 8 temporaires en fixes chez Firmenich.

Cette Convention est un premier pas. Elle sera renégociée et si possible améliorée d’ici un an. D’ici là, la mobilisation du personnel temporaire et du personnel Firmenich doit se renforcer afin qu’on obtienne davantage lors du renouvellement de cette Convention et, qu’à terme, les temporaires soient soumis à la CCT Firmenich.

Parallèlement, Unia a saisi la Commission des mesures d’accompagnement afin qu’une enquête salariale soit menée dans la branche de la pharma-chimie à Genève dans le but de définir un salaire usuel qui ferait foi.