Lettre ouverte aux assemblées syndicales PV 2020: même si la version du Conseil des Etats est acceptée, un référendum syndical s'impose !
1. Le projet du Conseil des Etats prévoit l'augmentation à 65 ans de l'âge de la retraite des femmes. Cette mesure n'a rien à voir avec l’égalité entre hommes et femmes! Elle ne ferait que contraindre les femmes à trimer une année de plus, au seul profit du patronat, ou, à défaut, à subir une baisse à vie de leur rente AVS.
· En Suisse, les travailleuses et travailleurs sont déjà les champions du monde de la durée du travail: hebdomadaire, annuelle et sur une vie. C'est donc une baisse de l'âge de la retraite, pour toutes et tous, qui devrait être à l'ordre du jour!
· Toute hausse de l'âge de la retraite est inacceptable: il est parfaitement légitime, après une vie de labeur, de profiter de quelques années pour réaliser de nouveaux projets et avoir enfin du temps pour celles et ceux qu’on aime.
· Relever l'âge de la retraite des femmes ne ferait qu'accroître la concurrence sur le marché de l'emploi et augmenter le chômage; cela faciliterait donc aussi les attaques patronales contre nos conditions de travail.
· L'augmentation de l'âge de la retraite des femmes n'est qu'une étape: si PV 2020 entrait en vigueur, le projet consistant à passer à 67 ans pour toutes et tous serait rapidement à l'ordre du jour. Seul moyen de l'éviter: empêcher la mise en œuvre de cette étape.
2. Le projet du Conseil des Etats n'apporterait aucune amélioration aux retraité-e-s actuel-le-s (2,3 millions de personnes!).
· Le bonus de 70 francs pour les rentes AVS et le déplafonnement, très partiel, de la rente pour les couples ne concerneraient que les futur-e-s bénéficiaires d'une rente AVS. La Constitution fédérale serait ainsi toujours bafouée. Elle postule en effet que les rentes AVS doivent "couvrir les besoins vitaux de manière appropriée", ce qui est loin d'être le cas du moment où leur moyenne est de 2000 francs par mois.
· Au vu de l'explosion sans fin des primes maladie, le blocage des rentes se traduirait par la poursuite de la baisse du pouvoir d'achat des retraité-e-s, ce d'autant qu'ils/elles devraient faire face aussi à la hausse de la TVA, l'impôt le plus antisocial, et, pour une partie d'entre eux/elles, aux coupes envisagées dans les prestations complémentaires.
3. Le projet du Conseil des Etats ne garantirait pas le "maintien du niveau des rentes" pour les futur-e-s retraité-e-s, du moins pour la majorité d'entre eux/elles.
· Pour les femmes, le "maintien du niveau des rentes" serait une chimère. Elles reçoivent, en moyenne, une rente AVS de 2000 francs. Le relèvement à 65 ans de l'âge de la retraite les priverait dès lors de 24 000 francs. Avec le supplément AVS de 70 francs par mois, elles toucheraient 840 francs de plus par année. Il faudrait qu'elles vivent jusqu'à
94 ans pour récupérer la perte due à l’augmentation de l’âge de la retraite...
· Toute projection quant au niveau des rentes dans 20 ou 30 ans est aléatoire. Si PV 2020 passait la rampe, il est certain que les milieux patronaux reviendraient à la charge pour réduire encore davantage le taux de conversion minimum. De même, ils continueraient à imposer des baisses du taux de conversion appliqué sur la part surobligatoire. Enfin, le taux d’intérêt crédité sur les avoirs vieillesse, qui a déjà été divisé par quatre en l’espace de 15 ans, pourrait subir de nouvelles diminutions. Bref, les promesses du 2e pilier n'engagent que celles et ceux qui y croient.
· Même si une petite minorité de futur-e-s retraité-e-s ne subissait pas de baisse de rente, à quoi bon crier victoire? Depuis quand le mouvement syndical doit-il se contenter de défendre le statu quo alors que la répartition des richesses est de plus en plus inégalitaire suite à l'explosion de la part accaparée par les grands patrons et actionnaires au cours des deux dernières décennies?
4. L'entrée en vigueur du projet du Conseil des Etats se traduirait par une diminution du salaire net, en particulier pour les bas salaires.
· Une assistante de vente de 39 ans à 50% avec un salaire mensuel brut de 2100 francs
(x 12) verrait sa cotisation au 2e pilier augmenter de 50 francs par mois, d'où une perte de 600 francs par année.
· Ces coupes – qui concerneraient majoritairement, une fois de plus, les femmes – seraient aggravées par la hausse de la TVA et des primes maladie, face à laquelle les rares et maigres indexations des salaires ne feraient pas le poids.
5. Le projet du Conseil des Etats ne remettrait en rien en cause le marché lucratif que représentent le 2e et le 3e piliers pour les banques et assurances. Au contraire, il accroîtrait leurs profits.
· Le niveau des rentes AVS demeurerait nettement insuffisant tandis que les privilèges fiscaux du 2e et du 3e piliers, notamment pour le patronat et les hauts revenus, perdureraient. Or, ce sont deux facteurs décisifs pour stimuler des rachats de cotisations dans le 2e pilier et des versements pour le 3e pilier, qui continueraient donc de plus belle.
· Le taux de la quote-part des bénéfices que les compagnies d'assurance peuvent conserver ("legal-quote") ne serait pas non plus modifié, même pas à la marge, d'où la poursuite du pillage des rentes de leur part.
· La baisse du taux de conversion rendrait le marché du 2e pilier plus rentable, alors que la progression du volume des capitaux sous gestion, suite à la hausse des cotisations, permettrait aux banques et assurances d'encaisser des commissions accrues.
Le défaitisme n'est pas de mise. Nous pouvons gagner! Comme le prouve la RIE III, une bataille menée par le mouvement syndical et les partis de gauche peut être victorieuse. Et si l'on gagne cette bataille, les Chambres fédérales devront concocter un meilleur projet, comme pour la RIE III.