Unia lance une offensive contre la criminalisation du travail syndical
Le 12 avril 2017, Unia dénonçait la société NETTOIE’NET SA pour des graves violations des conditions de travail en vigueur à l’aéroport de Genève. Des salariés avaient alors témoigné de manquements à la Convention collective de travail, à la Loi sur le travail, ainsi que du travail au noir. Après plusieurs échanges avec Genève Aéroport, le DES et l’OCIRT, les autorités compétentes donnaient raison au syndicat. N’ayant pas pu apporter les preuves de sa mise en conformité par rapport au respect de la Convention collective de travail, le 15 août 2017, NETTOIE’NET s’était faite exclure de l’aéroport pour une période de deux ans. Victoire d’étape Une victoire d’étape dans la lutte contre la sous-enchère salariale et le travail au noir dans les marchés publics genevois, insatisfaisante pourtant pour le syndicat. En effet, sans la dénonciation publique de cette affaire et l’interpellation directe des autorités, la société NETTOIE’NET poursuivrait encore impunément l’exploitation de ses employés à l’aéroport. Malgré le consensus autour de la décision de Genève Aéroport, le 19 octobre 2017, le directeur de NETTOIE’NET a porté plainte pénale à l’encontre du syndicat Unia et de «tous ses membres ayant participé aux faits reprochés» pour avoir «colporté de fausses informations, lesquelles sont diffamatoires, voire calomnieuses, sur la société NETTOIE’NET SA». Il reprochait à Unia d’accuser «la société NETTOIE’NET SA de tenir une conduite contraire à l’honneur en alléguant que celle-ci emploie des personnes au noir, leur faisant effectuer des heures supplémentaires non rémunérées et en l’accusant de ne pas les rémunérer de manière conforme, ce qui est totalement erroné». Selon le plaignant, les travailleurs de NETTOIE’NET SA auraient été employés «en toute légalité et les obligations de la branche d’activité [auraient été] respectées». Violations en série de la CCT Le Ministère public a pourtant rapidement pu constater que NETTOIE’NET SA a été condamnée à plusieurs reprises pour violation de la CCT du secteur du nettoyage, notamment pour non-respect des catégories professionnelles, des salaires minimaux, du paiement du 13ème salaire et des jours fériés, non-paiement des majorations dues pour les heures supplémentaires, le travail du dimanche et le travail de nuit, ainsi que pour travail au noir. Le Parquet a ainsi pu établir que les violations dénoncées par le syndicat Unia étaient conformes à la vérité et a rendu une ordonnance de non-entrée en matière le 26 février 2018. Or, si les affirmations du syndicat Unia sont vraies, il s’ensuit que les faits exposés par le directeur de NETTOIE’NET dans sa plainte pénale sont mensongers. En indiquant que l’entreprise respectait la CCT et que les reproches du syndicat Unia étaient «totalement erronées», le directeur de NETTOIE’NET a volontairement transmis des informations inexactes au Ministère public dans le but d’ouvrir une procédure pénale à l’encontre d’Unia. Stratégie patronale Loin d’être une démarche isolée, le mode de faire de NETTOIE’NET relève au contraire d’une stratégie des milieux patronaux, qui n’ont aucune difficulté à prétendre à la fois publiquement regretter la détérioration du partenariat social, tout en multipliant les attaques de toutes sortes contre les syndicats. En 2010 déjà, la FER (Fédération des entreprises romandes) avait publié une brochure qui se voulait un manuel des «moyens de lutte» patronaux. Si la démarche était d’abord présentée comme une réponse aux moyens syndicaux, et principalement à la grève des travailleurs, les employeurs ont tôt fait d’utiliser ce manuel comme une arme de guerre «préventive». Dès lors se sont multipliées les démarches juridiques visant à criminaliser l’action syndicale. Les plaintes pénales pleuvent sur les syndicats : violations de domicile, diffamation, calomnie, contrainte, etc. Les procédures sont souvent longues et visent à intimider, voire à décourager les syndicats d’agir. Contre-pouvoir indispensable Rien que contre Unia Genève ces trois dernières années, ce ne sont pas moins de huit plaintes pénales qui ont été déposées. Si aucune n’a abouti ce jour à une condamnation, les procureurs donnent hélas de plus en plus souvent crédit à la partie patronale et ouvrent des procédures interminables qui pénalisent l’activité syndicale. Les secrétaires syndicaux passent des journées entières entre la police et le Ministère public. Durant ce temps une chose est sûre : les employeurs qui violent les droits des travailleurs gagnent un répit qui peut, à leurs yeux et à lui seul, justifier la procédure. Seuls perdants dans l’affaire : les travailleurs et les deniers publics. Unia réclame donc du Ministère public qu’il ne fasse pas le jeu du patronat visant à criminaliser le contre-pouvoir des syndicats, lequel est indispensable au fonctionnement d’une saine démocratie. Renseignements: Camila Aros, secrétaire syndicale Fabrice Berney, secrétaire syndical |