Soutenir les livreurs plutôt que les plateformes

Le Département du Développement Economique (DDE) a annoncé hier la mise à disposition d’un fond de 100'000 CHF pour l’intégration des menus de nouveaux restaurants sur les plateformes numériques. Si la livraison de repas peut répondre à un besoin essentiel pour certaines catégories de la population, il n’est pas admissible qu’une mesure de crise profite essentiellement à des plateformes qui ne respectent ni les conditions de travail, ni les conditions de sécurité des livreurs. Unia exige la mise en place d’un fonds de soutien pour les salarié-e-s de ces plateformes qui risquent de se retrouver sans aucune garantie de revenu.

Le syndicat Unia Genève a pris connaissance de la mesure annoncée par le Conseiller d’Etat en charge du DDE, Pierre Maudet, de financer à hauteur de 100'000 CHF la mise en réseau des restaurants avec les plateformes numériques. En faisant livrer leurs menus par des livreurs à domicile, cette mesure devrait permettre à des établissements de maintenir une certaine activité malgré leur fermeture au public.

Limitation des livraisons à des personnes vulnérables
Le syndicat réitère sa demande d’arrêter de manière contraignante toute activité qui n’est pas indispensable pour répondre à des besoins essentiels de la population. En effet, il peut être admis que l’offre de livraison à domicile de plats préparés pour les personnes vulnérables (personnes âgés ou malades) soit élargie durant cette crise sanitaire, sur le modèle de ce qui est aujourd’hui pratiqué par l’IMAD. Il paraît toutefois irresponsable de développer davantage le modèle des plateformes commerciales qui non seulement peinent à respecter les minimaux sociaux pour leurs employé-e-s, mais qui s’avèrent particulièrement réticentes à garantir pour leur personnel les mesures de sécurité qui s’imposent à l’heure actuelle.

Aucun contrôle des mesures de sécurité
Comme beaucoup de ses collègues, Elder* qui travaille comme livreur pour la plateforme Eat.ch et aussi pour UberEats, témoigne : « Nous n’avons aucun outil ni consignes pour nettoyer nos sacs avec lequel nous sillonnons tout le canton, en permanence en contact avec des clients ». En l’absence totale d’un contrôle du respect des mesures de sécurité imposées par les autorités, et considérant que les magasins alimentaires restent ouverts, il apparaît qu’il n’y a aucune nécessité
à maintenir ouverte ce genre d’activité, au contraire : les livreurs risquent non seulement de mettre en danger leur propre santé, mais de devenir un facteur majeur de propagation du virus dans le canton.

Par ailleurs, avec ce soutien aux plateformes de livraison, le Département entend continuer une activité dans les restaurants fermés au public sans s’assurer que les conditions d’hygiène dans les cuisines respectent les prescriptions de l’Office fédéral de la santé publique. De nombreuses cuisines de restaurants sont beaucoup trop exiguës pour garantir une distance entre collègues de deux mètres. Tout comme la manipulation d’ustensiles en commun sans possibilité de se laver toujours les mains. Une chaîne comme Mc Donald’s a tiré les conséquences de l’application des règles de l’OFSP: elle a ferme y compris ses drive in et son service take away.

Soutien pour les livreurs qui restent à la maison
Les plateformes numériques telles qu’UberEats, Smood, Just-Eat ou autres ont déjà fait l’objet de mesures de la part du Conseil d’Etat en juillet 2019, notamment parce qu’elles ne respectent pas les dispositions légales ou conventionnelles en matière de salaires, heures de travail ou assurances sociales. Et comme certaines plateformes déclarent leurs propres employé-e-s comme indépendant-e-s, beaucoup de livreurs se trouvent aujourd’hui sans garantie de revenu. Paul*, qui travaille pour plusieurs plateformes est aujourd’hui contraint à rester à la maison : « Beaucoup de mes collègues n’ont pas droit au chômage. Et comme la plateforme refuse d’assumer sa responsabilité d’employeur, je n’aurai pas non plus droit au chômage partiel ».

Au lieu de soutenir financièrement un modèle économique douteux, l’Etat ferait donc mieux de concrétiser la revendication syndicale d’un fond d’aide pour les salarié-e-s dont le statut précaire les exclut de toute couverture sociale

Pour plus d’informations:
Umberto Bandiera, Département construction syndicale d’Unia, 079 681 51 56

* Les salariés anonymisés sont prêts à témoigner par téléphone. Leurs coordonnées peuvent être données sur demande.